Forêt publique
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Plus on est de fous, plus on rit (des dangers) !

Cofor 38 | 07 Mai 2025

ENVIRONNEMENT

Préambule…

Maîtrise des populations de ravageurs, pollinisation, dissémination de graines, apport de nutriments pour la croissance des arbres, source d’inspiration d’innovations technologiques et sociologiques… en plus d’être belle, la biodiversité forestière nous est très utile !

Sans l’autour des palombes, superprédateur capable de foncer à près de 100 km/h sur ses proies avec une dextérité remarquable pour éviter les obstacles en forêt, les mulots, campagnols, écureuils et geais, avides des graines des arbres, réduiraient les chances de régénération naturelle des forêts.

Sans les mulots, les campagnols, les écureuils, et les geais, beaucoup moins de graines seraient enfouies dans le sol et trouveraient alors les conditions propices à leur germination et à l’apparition de jeunes arbres.

Sans les renards, les graines seraient disséminées « moins loin », avec pour conséquence un brassage génétique des végétaux moins important et sur le long terme une moins bonne résistance aux aléas (climatiques, sanitaires…). Et en conséquence, les forêts seraient moins « mélangées ».

Sans les insectes pollinisateurs (abeilles, bourdons, papillons, mouches, coccinelles, scarabées…), les arbres feuillus auraient bien du mal à traverser les siècles (80% des plantes à fleurs ont besoin d’insectes pollinisateurs pour espérer se reproduire).

Sans regard porté sur la nature, les progrès scientifiques seraient à la traîne, le biomimétisme relégué au deuxième plan (Léonard de Vinci aurait-il eu l’idée de la conception de la première machine volante, son fameux ornithoptère ? ; le TGV au Japon, dont la forme a été dessiné à partir de l’observation des qualités du martin pêcheur aurait-il vu le jour ?).  Et la question du vivre ensemble, « en symbiose » comme le font les champignons et les végétaux, aurait sans doute moins le vent en poupe chez les philosophes et sociologues de notre temps.

Bref ! Les services rendus par la biodiversité à l’homme, ces « aménités » comme on les appelle, sont bien plus nombreux que leurs nuisances. Si la notion d’espèce « nuisible » s’entend dans un contexte particulier (par exemple : la surpopulation de cerfs a un impact sur la régénération des forêts), la biodiversité ne l’est, elle, jamais. Bien au contraire.

D’ailleurs, il a été démontré par certains scientifiques que la résilience des forêts est corrélée à sa richesse en biodiversité (Source : Forest Isbel et al. Natur 2017).
DEPARTEMENT ISERE-Pierre_JayetDEPARTEMENT ISERE-Pierre_Jayet
Alors, pour accueillir une large biodiversité végétale, animale et autres, capable de s’auto-réguler au sein des écosystèmes forestiers, la gestion forestière, plus que jamais, s’adapte.

A l’image de cette « diversité », la forêt est devenue, ces dernières années, « mosaïque ».

Pour accueillir un maximum d’espèces et organismes vivants participant à son existence et à sa résilience, la forêt exige une gestion … des plus diversifiées.

Dans nos forêts publiques de montagne, la diversité était d’ores et déjà au goût du jour dans la plupart d’entre elles : au sein d’une même parcelle, des arbres de tous âges, de toutes hauteurs, le maintien d’arbres morts ou dépérissants - accueillant une biodiversité spécifique - aux côtés des bien vivants, la présence de zones sans intervention humaine (libre évolution) aux côtés de zones gérées durablement étaient déjà à l’ordre du jour. On parlait jusque-là, en langage forestier, de gestion en «  futaie irrégulière ». Mais elle s’accentue.

Ainsi, des réseaux d’ilots de sénescence de quelques hectares, disséminés dans la forêt, voient le jour. Ces petites zones interconnectées dans lesquelles les arbres peuvent vieillir et mourir en paix permettent de fournir des zones de quiétude à de nombreuses espèces animales qui pourront y faire leur cycle de vie.

Des arbres morts, toujours plus nombreux, restent sur pied pour offrir gîte ou couvert à des espèces qui en dépendent (pics, rapaces nocturnes, insectes) dans une recherche d’équilibre et de régulation entre toutes les espèces présentes en forêt.

Des lisières, qui accueillent une biodiversité spécifique, sont entretenues et la gestion forestière porte une attention toute particulière au maintien d’arbres de toute hauteur, de différents âges, à l’entretien de zones plus ou moins ouvertes, afin de proposer des habitats variés et adaptés à la faune locale. Une végétation basse permettra par exemple, sous certaines conditions propres à chacune d’elles évidemment, d’accueillir gélinottes ou engoulevents.

Une attention est également portée aux forêts dites « anciennes », donc déjà forestières depuis au moins deux siècles, et forêts « matures », qui comprennent beaucoup d’arbres adultes de gros diamètres. Chacune, à leur manière, sont réputées accueillir une forte biodiversité, mais avec des particularités (dont voici quelques exemples : les forêts anciennes accueillent plus de gastéropodes, de syrphes, et nos amies les mousses ; les forêts matures sont plus favorables aux chauves-souris, aux oiseaux, aux petits mammifères…).

Grâce à ce regard attentionné porté sur la biodiversité, la forêt demeure encore aujourd’hui son meilleur refuge. Ainsi, si l’abondance des oiseaux communs est en chute libre en milieu agricole et urbain en France métropolitaine (baisse d’au moins 30% depuis 30 ans), elle est beaucoup plus contenue en forêt (baisse de 3%). Pourvu que ça dure…

La question du jour…

L’apport économique de la biodiversité forestière peut-il être quantifié ?

Compte tenu de la quantité de micro-organismes en forêt, il est bien difficile d’établir un juste état des lieux des recettes liées à la biodiversité ! Et c’est tant mieux. Ce type d’analyse risquerait de donner naissance à une vision très réductrice de la nature, la contenant dans un rôle plutôt qu’une fin en soi.

Mais il existe néanmoins quelques études sur le sujet. Plongeons donc quelques instants dans le monde fascinant… des chauves-souris ! 

Pendant l’hiver 2006/2007, des millions de cadavres de chauves-souris ont été découverts dans plusieurs grottes des Etats-Unis. Une équipe de chercheurs américains (G.Boyles) s’est attelée à évaluer les conséquences économiques d’une telle hécatombe. Pour cela ils ont estimé le coût de l’usage des insecticides devenu nécessaire pour la régulation des insectes ravageurs, et de ses conséquences (traitement des pollutions de l’eau, et autres événements induits par cette utilisation de pesticide). Et bien, le résultat est tout bonnement … effrayant : la disparition des chauves-souris coûterait 3,7 milliards de dollars/an aux Etats-Unis.

En forêt, le murin de Bechstein, espèce forestière très territoriale, adapte son repas au menu : mouches, moustiques, coléoptères, papillons, punaises, et participe ainsi à limiter la pullulation d’insectes potentiellement en passe de devenir, de part leur nombre, ravageurs. Les chenilles du papillon tordeuse du chêne n’ont par exemple qu’à bien se tenir ! En un mois,  à raison de 250 chenilles/mois, le murin de Bechstein est capable d’avaler et digérer 60 000 chenilles pendant le mois de leur émergence.

De quoi redorer, une bonne fois pour toute, l’image des seuls mammifères volants connus sur cette planète !


Le coup de pouce du jour…

Les politiques publiques déploient de plus en plus de programmes d’aides financières pour palier à la baisse de la biodiversité végétale et animale.

Le dispositif 1a1h, par exemple, déploie plusieurs axes de travail « forestier », « cadre de vie en zone urbaine », et agricole pour aider à la résilience des forêts impactées par le changement climatique.

Dans son axe forestier, le dispositif finance des projets proposant de renforcer le mélange d’essences d’arbres en forêt (par régénération naturelle ou artificielle). Certains travaux d’entretien de lisières favorables à la biodiversité peuvent être pris en charge. En aidant à la régénération des forêts (protection et entretien de semis ou plantations) et en la diversifiant, le dispositif met à l’honneur, à sa manière, la biodiversité.
LETTRE INFO

COFOR AURA | 2025
Lettre d'information n°30 - Communes forestières Auvergne-Rhône-Alpes

Toutes les lettres ici  

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