Nos forêts sont depuis toujours soumises à des crises sanitaires qui sont d’origine diverses : aléas climatiques, changements de pratiques sylvicoles, parasites et ravageurs, dont les scolytes font partie…

Mais ces dernières années, les attaques et les dégâts dues aux scolytes (Ips typographe) se font plus impactant en France et dans toute la région Auvergne Rhône Alpes.

En effet, le réchauffement climatique offre à l’insecte des conditions de développement très favorables qui lui permettent de proliférer (jusqu’ à 3 générations par an) sur des arbres affaiblis par les très grandes sécheresses qui se multiplient chaque été. Ces épisodes de grande aridité rendent les arbres, en l’occurrence les épicéas, plus vulnérables à toute forme d’attaque.


Source : DSF, 2022

Encart : le scolyte male est le 1er à s’installer. Il attire les femelles grâce à ses phéromones.  Les femelles pondent sous l’écorce. Ce sont les larves de scolyte qui creusent des galeries dans le bois sous l’écorce. Elles interrompent ainsi les flux de sèves et, mettent à l’épreuve les capacités de défense de l’arbre et finissent par provoquer son dépérissement. De plus, les scolytes contribuent à l’introduction de champignons spécifiques dans l’arbre induisant le bleuissement du bois.

Dès 2018, les régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté ont été les premières et les plus impactées, avec près de 20 millions de mètres cubes de bois concernés, représentant environ 60 000 hectares de forêt (publique et privée).

Les forêts d’Auvergne-Rhône-Alpes sont également fortement touchées par l’épidémie. Le département de l’Ain est aujourd’hui le plus impacté avec des attaques même en altitude.  La crise et l’augmentation des surfaces touchées se confirment sur les Montagnes d’Auvergne et toute la partie alpine de la région.


Source : DSF, 2022

Les dégâts constatés et diagnostiqués par les forestiers montrent l’urgence à agir à différents niveaux :
-            Récolter rapidement les arbres contaminés :
  o   Pour éviter la propagation de l’épidémie sur les peuplements voisins.
  o   Pour empêcher ou limiter la dégradation des bois et permettre une meilleure valorisation.
-            Mobiliser la filière pour absorber les volumes conséquents de bois scolytés qui vont inonder le marché,
-            Structurer la filière pour trouver et augmenter les débouchés de ces bois, qui ne présentent pas de défauts majeurs s’ils sont récoltés à temps.


Un webinaire est disponible sur le site de la DRAAF AURA pour présenter un guide de gestion des crises sanitaires en forêt, produit par le RMT Aforce en 2020, qui met à disposition des outils afin de gérer plus facilement ces périodes difficiles et propose des exemples concrets. Des exemples de la crise sanitaire dans la montagne de l’Ain et aussi dans l’Allier sont présentés (https://draaf.auvergne-rhone-alpes.agriculture.gouv.fr/foret-et-changements-climatiques-le-guide-de-gestion-des-crises-sanitaires-en-a5388.html)

Face à la crise des scolytes, les Communes forestières, au côté de leur partenaires, se sont mobilisées rapidement sur les territoires, sont partis prenantes des échanges et œuvrent aux cotés des élus pour trouver des solutions à court, moyen et long terme.


Une stratégie commerciale est en œuvre depuis 2020 avec l’ONF sur notre région (https://www.communesforestieres-aura.org/article_197_48_09-2021---aura---crise-sur-le-bois---details-de-la-strategie-des-communes-forestieres-et-de-l-onf-en-aura.html). Des réunions de crise ont lieu régulièrement pour structurer cette commercialisation avec les communes et anticiper les prochaines ventes. Une note de conjoncture corédigée avec l’ONF sera prochainement adressée aux communes pour expliquer les tendances et les objectifs pour le premier semestre 2024.

Adaptation de l’offre de bois vert, contrats d’approvisionnement, et ventes en ligne mensuelles sont entres autres les outils proposés aux communes qui permettent une plus grande souplesse et une intervention rapide en forêt.

Pour mobiliser la filière, il faut pouvoir aussi valoriser ces bois scolytés et les destiner à des usages adaptés et pertinents. Des questions de la filière ont longtemps perduré sur les incertitudes à la transformation de ces bois notamment sur le développement du bleu et sur son impact sur le collage et la tenue des finitions, mais aussi sur leur commercialisation : comment valoriser des lots de bois présentant des marques de bleuissement auprès des clients quand ceux-ci privilégient systématiquement les bois blancs ?

Il a été établi depuis longtemps que le bleu n’altère pas les propriétés mécaniques du bois. Un bois bleu n’est donc pas un critère de dévaluation des bois. Le FCBA s’est aussi saisi de cette question en 2018 et a travaillé protocole de caractérisation de ces bois scolyté frais ou secs, le but étant de s’assurer que l’on pouvait travailler le bois scolyté en retrouvant toutes les qualités d’un bois sain.

À l’issue de ces expérimentations, le bilan était sans appel : le bois scolyté est utilisable en construction, qu’il s’agisse de bois massif ou de bois collé, il peut être séché, collé et même peint. Seuls les bois très secs avant transformation présentent des rendements inférieurs en termes de sciage, et nécessitent des adaptations en cas de finition tels que la peinture.

Il est donc nécessaire de sensibiliser la filière sur ces caractéristiques mais aussi les maitres d’œuvre et les maitrises d’ouvrage pour permettre d’écouler ces afflux de bois et de valoriser ces bois dans la construction.

Les Communes Forestières s’inscrivent dans cette dynamique et ont proposé avec les Fibois une formation avec retour d’expérience et visite à Bois d’Amont le 29 novembre dernier dans le Jura. Ils ont décidé d’unir leur force pour faire évoluer le regard porté sur ces bois et ce, notamment dans la construction. Autour de la table, forestiers, maîtres d’ouvrage, assistants à maîtrise d’ouvrage, architectes, bureau de contrôle et transformateurs du bois ont pu apporter leur savoir et échangé avec la salle sur les possibilités qu’offrent le bois scolyté et le projet de Bois d’Amont est un exemple de réalisation vertueuse méritant d’être mis en lumière. Une captation vidéo a été faite de cet évènement. Elle sera prochainement disponible sur notre site internet.

Le message était fort : L’usage de la ressource forestière doit être mis en adéquation avec l’urgence sanitaire.

Cette journée d’échange a permis de mettre en valeur la possibilité de prévenir la dévalorisation du matériau bois en reconnectant ressource locale, ambition politique et savoir-faire technique. Le Sénateur Patrick Chaize, Président des Communes forestières de l’Ain témoigne sur « l’épicéa scolyté exploitable en construction » :

https://www.communesforestieres-aura.org/documents/ressources/epicea-scolyte-fncofor-onf.pdf

Cette crise, va changer nos habitudes et notre façon de réagir : il faut gérer l’urgence mais désormais, il faut aussi être en anticipation constante pour diagnostiquer les dépérissements et réagir au plus vite.

Pour finir, nous vous informons de la publication au recueil des actes administratifs de l'arrêté préfectoral n°24-008 relatif à la lutte contre les scolytes de l'épicéa commun dans les peuplements atteints suite à sa signature en date du 16 janvier 2024 : https://www.prefectures-regions.gouv.fr/auvergne-rhone-alpes/irecontenu/telechargement/113150/846506/file/22janvier2024_n%C2%B0-1_recueil-84-2024-019-recueil-des-actes-administratifs-special.pdf

Vous êtes une collectivité avec la volonté de valoriser le bois scolyté dans vos constructions, contactez-nous !